dana hilliot<p>Judith/Jack Halberstam, The Queer Art of Failure (2011) (1/2)</p><p>Il y a des livres qu'on découvre au hasard d'autres livres (chez Sara Ahmed par exemple !), et qui ne vous lâchent pas, semblent avoir été écrit tout exprès pour vous, et font écho à votre position dans le monde, ici et maintenant.</p><p>L'art de l'échec queer (qui traduit maladroitement the Queer Art of failure) de Judith/Jack Halberstam est de ceux-là (je conserve les deux prénoms, parce que c'est non seulement le souhait de l'auteur/autrice, mais aussi un aspect de sa queerness, l'idée de n'être pas limité dans son être par le genre, et de laisser flotter l'identité dans un flou possiblement créatif).</p><p>Dans le passage qui suit, on lira les rudiments (développés dans le livre) d'une réévaluation de l'échec (queer), ainsi qu'une évocation d'un autre livre épatant d'une autrice précieuse, et décapante, Barbara Ehrenreich, qui détruit dans Bright-Sided, l'empire de la "pensée positive" à l'américaine (mais qui sévit aussi chez nous, et pas seulement à droite, mais aussi par exemple chez certain‧es optimistes écolos virulent‧es - du genre avec lesquel‧les je me frotte plus souvent qu'à mon tour)</p><p>Ehrenreich, Halberstam et bien entendu Sara Ahmed et son feminism killjoys, me sont chères, et m'apprennent à transformer mes échecs (art dans lequel j'excelle depuis toujours) en arme de combat, mais aussi en outil de créativité. Comme si j'avais toujours finalement vécu de la sorte, mais qu'il me manquait pour l'assumer totalement cet angle queer, et féministe, pour lui donner sens. (et je sens que ça va être difficile d'expliquer cela lors de la prochaine réunion de matraquage idéologique néolibéral à laquelle les agents de l'État devraient me convier, moi et mes collègues au RSA 😂 - je plaisante, mais c'est un coup à finir en psychiatrie pour "inadaptation viscérale" - si j'étais rentier, on me foutrait la paix bien entendu)</p><p>Ma traduction rapidos :</p><p>"Plutôt que de plaider pour une réévaluation de ces normes de réussite et d’échec, The Queer Art of Failure démonte les logiques de succès et d’échec avec lesquelles nous vivons actuellement. Dans certaines circonstances, échouer, perdre, oublier, défaire, annuler, ne pas être à la hauteur, ne pas savoir peuvent en réalité offrir des façons plus créatives, plus coopératives et plus surprenantes d’être dans le monde. L’échec est une chose que les queers font et ont toujours fait exceptionnellement bien ; pour les queers, l’échec peut être un style, pour citer Quentin Crisp, ou un mode de vie, pour citer Foucault, et il peut contraster avec les sinistres scénarios de réussite qui dépendent de « essaie et essaie encore ». En fait, si le succès exige tant d’efforts, l’échec est peut-être plus facile à long terme et offre d’autres récompenses.</p><p>Quels types de récompenses l’échec peut-il nous offrir ? De toute évidence, l’échec nous permet d’échapper aux normes punitives qui disciplinent le comportement et gèrent le développement humain dans le but de nous faire passer d’une enfance turbulente à un âge adulte ordonné et prévisible. L’échec préserve une partie de la merveilleuse anarchie de l’enfance et perturbe les frontières supposées nettes entre les adultes et les enfants, les gagnants et les perdants. Et si l’échec s’accompagne certainement d’une foule d’affects négatifs, tels que la déception, la désillusion et le désespoir, il offre également la possibilité d’utiliser ces affects négatifs pour trouer la positivité toxique de la vie contemporaine. Comme nous le rappelle Barbara Ehrenreich dans Bright-sided, la pensée positive est une maladie nord-américaine, « un délire de masse » qui émerge d’une combinaison d’exceptionnalisme américain et d’un désir de croire que le succès arrive aux bonnes personnes et que l’échec n’est que la conséquence d’une mauvaise attitude plutôt que de conditions structurelles (Ehrenreich , 2009 : 13). Aux États-Unis, la pensée positive est présentée comme un remède contre le cancer, une voie vers une richesse inouïe et un moyen infaillible de construire son propre succès. En effet, les Américains préfèrent de loin croire que le succès dépend de l’attitude de chacun plutôt que de reconnaître que leur réussite est le résultat de l’inclinaison de la balance en fonction de la race, de la classe sociale et du sexe. Comme le dit Ehrenreich, « si l’optimisme est la clé de la réussite matérielle et si l’on peut parvenir à une vision optimiste grâce à la discipline de la pensée positive, alors il n’y a pas d’excuse pour l’échec ». Mais, poursuit-elle, « le revers de la médaille de la positivité est donc une insistance sévère sur la responsabilité personnelle », ce qui signifie que si le capitalisme produit le succès des uns par l’échec des autres, l’idéologie de la pensée positive insiste sur le fait que le succès ne dépend que du travail et que l’échec est toujours de son propre fait. (...)</p><p>=>></p><p><a href="https://climatejustice.social/tags/Queer" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>Queer</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/failure" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>failure</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/JudithHalberstam" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>JudithHalberstam</span></a> <a href="https://climatejustice.social/tags/BarbaraEhrenreich" class="mention hashtag" rel="nofollow noopener noreferrer" target="_blank">#<span>BarbaraEhrenreich</span></a></p>